Massawa, le port d’attache d’Henri de Monfreid ! Jamais de ma vie je n’aurais cru qu’un jour je me retrouverais dans cette ville qui me rappelle les lectures de mes 12-15 ans : Les secrets de la mer Rouge, La croisière du Hashish, À la poursuite du Kaïpan… Nous sommes en 1997, je traîne en compagnie de Jean-Paul[1] dans les ruelles de Massawa un dimanche, jour chômé dans un pays où se côtoient les mosquées, les synagogues et les églises.
Nous sommes en mission ce mois de septembre 1997, pour préparer une campagne de l’Europe à la demande conjointe de l’AFD [2] et du ministère de l’agriculture et des pêches de l’Érythrée. Il fait une chaleur étouffante, et même en bord de mer, en bordure du désert, l’air est saturé d’humidité. Nous venons de déjeuner d’un délicieux poisson cuit au barbecue sur une petite place où un courant d’air opportun nous a rafraîchis, comme la bière que nous avons bue avec le poisson. Le restaurateur était musulman et ne vendait pas de bière, mais il nous a simplement dit d’aller en face au bistro (c’était à dix mètres, de l’autre côté de la placette), car le tenancier de ce bar était chrétien et voulait bien nous en servir.
Quand je dis qu’il fait chaud, c’est vraiment très chaud. Nous avions vu en arrivant d’Asmara à l’hôtel Dakhlak à 3h du matin qu’il faisait déjà 34°C. Fort heureusement, les chambres de l’hôtel bien que sommaires, sont climatisées. Nous sommes arrivés l’avant-veille par Lufthansa à Asmara, la capitale, située à 2300 m d’altitude, avec un retard conséquent car le pilote nous a informé que tout était éteint sur la piste (il faisait nuit), et qu’il préférait faire un tour d’inspection (il en a fait trois) avant de se poser « à vue », pas de quoi réconforter les nombreux passager de l’Airbus. Déjà, à l’escale de Djeddah, les hôtesses de Lufthansa se sont voilées et un policier est venu fouiller les porte-revues devant chaque passager, prenant du bout des doigts et jetant avec mépris les Marie-Claire et Paris-Match dans un grand sac poubelle que tenait son assistant. Je me serais cru en Libye trente ans plus tôt, mais Jean-Paul m’a, si on peut dire, rassuré, lui qui avait fréquenté plus récemment le Soudan et l’Arabie : la censure des photos est toujours de mise en pays strictement musulman.
Nous avons passé une nuit à Asmara, puis nous avons pris la route de 150 km qui mène à Massawa, dans une Land Rover conduite par le chauffeur du service de la pêche. Quand je dis conduite, je devrais plutôt dire pilotée à la manière acrobatique locale, doublant les trop nombreux camions dans les virages en lacets, car c’est d’abord une route de montagne qui descend vers une plaine désertique puis la mer Rouge. Tout au long de la descente, nous avons aperçu la voie ferrée et ses nombreux tunnels, que l’Érythrée tente de restaurer. Elle date des Italiens du temps de la colonisation, et parfois on voit un camion Fiat monté sur des roues de train, et qui sert de locomotive. Nous nous disons, Jean-Paul et moi, qu’un jour, si le contrat se prolonge, nous prendrons ce train, ce serait plus sûr que la conduite divagante de notre chauffeur [3]
[1] Jean-Paul George, collègue et excellent ami, hélas décédé.
[2] Agence Française de Développement
[3] L’Érythrée hélas s’est refermée après une ouverture due à la fin de la guerre avec l’Éthiopie et la venue en 1993 d’un président élu, Issayas Afewarki, devenu depuis une sorte de dictateur, toujours présentement au pouvoir.
Loic, j avais deja lu la 1ere partie du « café du dimanche » mais avec la lecture avec retard ce jour de la partie 2 , je me suis régalée à nouveau à relire ta prose . Que de belles rencontres fais tu lors de tes campagnes . Jacqueline
Loic j ‘avais déja lu la partie 1 du « café du dimanche !!! » mais la lecture ce jour avec retard de la partie 2 nécessitait que je reprenne cette lecture et quel plaisir de voir toutes les rencontres que tu as faites lors de tes campagnes . Jacqueline