Une fois sur place, nous avons pris nos quartiers à l’hôtel Dakhlak, du nom des îles situées devant Massawa, et à deux pas du service de la pêche car Massawa n’est pas bien grande. Discussions autour du projet, cours de technologie des pêches pour Jean-Paul et de dynamique des populations pour moi (en anglais, pas en amharique !), et nous voici dans le bain si on peut dire. Les ventilateurs de la salle de réunion, non climatisée, ont à peine servi à nous rafraîchir et toute l’eau de notre organisme est partie en transpiration. La bière de notre restaurateur du dimanche a donc participé à la réhydratation des bonshommes
Nous quittons le restaurant à l’heure de la sieste que tous pratiquent ici, mais nous hésitons à regagner l’hôtel : être à Massawa et ne pas visiter la ville serait trop bête, car nous ne savons pas encore que nous y reviendrons, et plusieurs fois ! Aussi prenant notre courage à deux mains nous décidons de marcher, à l’ombre si possible, le long des ruelles sablonneuses de la vieille ville.
À un carrefour bien aéré nous rencontrons un homme assis sur sa natte, devant un petit feu qu’il entretient avec du charbon de bois. Nous nous saluons, et en sabir anglo-italo-amharique, et il nous invite à boire un café. Asseyez-vous, nous dit-il, je vais préparer le café. C’est alors que nous comprenons, en le voyant sortir des grains de café crus d’un sac de jute, que ce café n’est même pas encore grillé, et que nous sommes là pour un moment. Mais qu’à cela ne tienne, nous avons le temps. Le petit feu de braises est en effet destiné à griller les grains de café, que notre homme va ensuite moudre à l’aide d’un petit moulin comme pour le poivre, en y ajoutant une ou deux graines de cardamome, pour parfumer le café nous dit-il. Puis il chauffe l’eau sur le même feu auquel il a ajouté de nouveau du charbon. Il avait bien trois tasses, à peu près propres, qu’il remplit de ce café à la délicieuse odeur, nous donne à chacun une tasse et jette sur les braises des grains d’encens « comme à la messe », qui parfume la place comme l’église de notre enfance, semble penser Jean-Paul comme moi-même…
Nous arrivons à échanger avec notre hôte, lui disons pourquoi nous sommes là, rares européens dans ce port de commerce et de pêche, il nous apprend qu’il a été autrefois pêcheur mais qu’il a abandonné ce métier pour une raison que nous ne comprenons pas (notre vocabulaire commun est quand même limité) puis nous le quittons pour rejoindre l’hôtel, dans l’attente de la relative fraîcheur de la soirée.
Le dimanche suivant, nous sommes revenus à ce carrefour à la recherche de notre homme, mais il avait disparu, comme sa natte, son bagage et son brasero. Dommage, nous aurions bien voulu lui rendre la pareille, l’inviter au restaurant du dimanche précédent, par exemple ?