TITANIC (avril 1912 ; septembre 1985) – TITAN (juin 2023) : Réflexions !
L’actualité de ce mois de juin 2023 nous ramène au large de Terre-Neuve, aux travaux de recherche menés par l’Ifremer. J’écris bien « travaux de recherche » et non pas « tourisme scientifique » ou « tourisme commercial ». A chacun son métier ! Je laisse à d’autres la polémique et/ou l’envie de faire du buzz. Je me focaliserai ci-après sur l’assistance à la mer.
Les années 80 sont celles de la création de l’Ifremer (1984), du lancement de projets technico-scientifiques encouragés par Yves SILLARD, son PDG à l’époque (et récemment décédé). Parmi ces projets, celui d’une coopération d’assistance entre les Etats-Unis et la France disposant tous deux de bathyscaphes pouvant descendre à 6 000 mètres : dans le cas d’un incident sur un bathyscaphe, un second (d’un autre pays ou institut) peut-il lui porter assistance ? Au lieu de proposer une mission sur un lieu imaginaire dans les océans pacifique, indien ou autres, la suggestion retenue est de retrouver le Titanic qui a coulé au sud de Terre-Neuve en 1912 et dont l’épave n’a jamais été localisée. Sans entrer dans les détails de cette opération, je passe sous silence les semaines et mois de recherche bibliographique, de recalculs et corrections des positions des navires s’étant déroutés pour porter assistance, et des icebergs, etc., mais tous ces travaux ont permis de définir une zone de recherche plus au sud que celle mentionnée dans la littérature.
L’opération franco-américaine est lancée sur cette zone pendant l’été 1985, un premier mois par le NO/SUROIT de l’Ifremer avec deux américains à bord, le mois suivant par un navire américain avec deux ingénieurs de l’Ifremer à son bord.
L’épave est finalement localisée le 1er septembre 1985 par ce navire américain. Ne pouvant citer tous les membres de cette expédition, je me limiterai volontairement à ces deux co-directeurs : le Dr Robert Ballard de l’Institut océanographique de Woods Hole et notre collègue Jean-Louis Michel de l’Ifremer. La démonstration avait été ainsi faite qu’après des mois de recherche dans les archives et un peu plus d’un mois à la mer deux pays et leur institut respectif pouvaient atteindre leur cible.
En ce dimanche 18 juin 2023, un bathyscaphe américain, le TITAN, est signalé disparu lors d’une plongée sur le TITANIC. Américains et Canadiens entament rapidement les recherches. La France, via l’Ifremer, répond à la demande d’assistance, à la demande de sauvetage. Le NO/’Atalante est dérouté de sa mission en cours aux abords des Acores, et met le cap immédiatement vers la zone du Titanic. Peu importe quel navire a le premier repéré les débris du TITAN. Ces débris ont été repérés 4 jours après la disparition du bathyscaphe. Temps à la fois trop long pour sauver l’équipage, certes, mais également court illustrant les progrès réalisés dans la coopération internationale, dans la recherche à très grande profondeur.
Au-delà de certaines polémiques se faisant jour dans certains médias, je retiens ce très important raccourcissement des délais d’interventions dans cette assistance internationale. L’Ifremer y a répondu présent en déroutant un navire et ses moyens, et en mobilisant en urgence une équipe de nos collègues de La Seyne.
Ce malheureux événement de mer révèle également la diminution de la flotte des bathyscaphes pouvant atteindre la profondeur de 6000 mètres, remplacés par des robots télécommandés comme Victor.
Après le CNEXO avec Cyana, l’Ifremer, avec le Nautile et aujourd’hui Victor, permet à la recherche française d’être présente dans les grands fonds, et ce avec une excellence certaine.
Puisse cette excellence demeurer au sein d’un Institut pluridisciplinaire, chaque discipline exigeant également de l’excellence.