Lors de ses deux voyages, Charles Antoine était attaché à l’officier des montres. Nicolas Antoine nous donne des explications sur cette fonction et le matériel associé.
De fait, la connaissance précise du temps est nécessaire pour calculer la longitude, dans les conditions astronomiques habituelles : grosso modo, on compare un phénomène référencé au méridien étalon (Greenwich, ou Paris, à l’époque de notre arrière grand père), au phénomène analogue observé au méridien où l’on se trouve, et qu’il s’agit de calculer.
De la fin du XVIIIème siècle à la fin du XXème siècle, les marins ont donc utilisé des montres et chronomètres mécaniques, instruments d’horlogerie indispensables à une navigation sûre. (Mais à une époque encore très proche, on trouvait sur certaines cartes de régions peu fréquentées, des décalages de longitude, d’îles ou de récifs, qui provenaient des observations anciennes, références de la première édition de cette carte. Décalages en général assez mineurs, heureusement.)
Chaque bâtiment était doté d’un chronomètre, ou garde-temps, fixé dans un boîtier en un endroit sûr et stable, le moins possible sujet aux variations de température, sur ressorts et cardans pour limiter les effets parasites pour l’horlogerie des mouvements du navire. Ce garde-temps était inamovible, sauf bien sûr lors des carénages. Il était LA référence du temps, à bord du navire. On ne le remettait jamais « à l’heure », et on le surveillait avec attention.
Par ailleurs, plusieurs montres, transportables, se trouvaient placées dans le même local, mais on les prenait pour les observations astronomiques, lesquelles se font à la seconde près.
L’heure indiquée par les montres était toujours référencée au garde temps. Montres et chronomètres étaient remontées tous les jours avec douceur et régularité; les montres non plus n’étaient pas remises à l’heure. Certains cadrans de montres et chronomètres étaient agrémentés d’un indicateur de remontage : une petite aiguille, qu’il ne fallait pas mettre en butée.
Après l’avènement de la TSF, il est devenu possible de recaler tous les jours les montres et le chronomètre par rapport au temps universel. Voici ce qui se pratiquait dans les années 70 (1970).
De manière régulière, le timonier, sous la responsabilité de l’officier de manœuvre, relevait par radio, le top horaire international (sorte de super horloge parlante, mais en morse), et notait, sur le cahier des montres, le décalage du chronomètre et des montres, avec le temps universel. On ne remettait jamais les montres ni le chronomètre « à l’heure », et l’on se contentait de noter pour chaque appareil, sur le « cahier des montres », le décalage en question, et la variation de ce décalage par rapport au jour précédent – variation qui s’appelle la « marche » de la montre (ou du chronomètre)-. L’important était que cette marche soit régulière d’un jour à l’autre, pour en tenir compte lors de l’observation astronomique, en sorte d’ajuster au mieux le calcul au temps astronomique. Enfin, le timonier remontait les appareil de façon mesurée, et d’un nombre de tours constant, en évitant toute brusquerie, et surtout de mettre le ressort en butée, ce qui abîmait le mécanisme d’horlogerie.
Même avec la TSF, le chronomètre était la référence dont disposait le navire en permanence, d’où les soins dont il était toujours l’objet. Il était conçu et installé de telle sorte que sa marche soit très régulière, et connue. L’horloger engageait sa réputation. Ces objets font maintenant la joie des antiquaires…
Cependant, avec la radio, la différence entre les montres et le garde-temps s’atténuait, puisque l’on pouvait tous les jours recaler chaque instrument sur le temps universel. Les montres étaient un peu moins performantes et délicates que les chronomètres, et l’on pouvait tolérer une marche légèrement variable, la marche habituelle d’une montre étant de l’ordre d’une ou deux secondes par jour, en général. Mais si la marche de telle montre se mettait à varier sans explication (gros mauvais temps, tirs au canon faisaient partie des explications plausibles…), c’était un souci.
Le cahier des montres, comme celui de la température des soutes à munitions était souvent visé lors de l’inspection générale.
Un de mes fistots, qui sur son patrouilleur, se fiait à sa montre à quartz, nouveauté de l’époque, et avait délaissé de ce fait son cahier des montres, en a fait les frais !
A la fin des années 40 (1940), un aviso colonial s’est mis au sec sur un récif du Canal du Mozambique, parce qu’à l’escale précédente, le timonier avait laissé s’arrêter le chronomètre du bord, et l’avait remis en fonction, sans rien dire à ses supérieurs, en se trompant de décalage (souvenirs du CV Guéguiner).
Les montres à quartz, à la fin des années 70, puis le GPS, ont, je crois, périmé ces usages, ou au moins les ont profondément modifiés; je ne sais ce qu’il en est dans les marines d’aujourd’hui.
J’espère que ces explications ne seront pas trop confuses, et qu’elles seront agréées par mes anciens. Elles éclairent les propos de notre aïeul, et sa fierté d’être associé à cette responsabilité de l’officier des montres, pleine d’enseignement pour un aspirant.
Lorsque j’ai quitté la Marine en 1985, les premières montres d’observation à quartz entraient en dotation. Mais le chronomètre restait encore mécanique.
Introduction au 2e voyage de Charles Antoine 2e extrait 3e extrait du 2e voyage
Dans la marine au long cours, un officier était chargé des montres, c’est lui qui remontait le garde temps et mesurait sa dérive (un Leroi sur le Jean Charcot). Lors des relevés au sextant, l’officier avec un chronomètre en main prenait le top de son observation puis recalculait le temps TU en fonction de l’heure corrigée du garde temps.