Seule représentante de la Bretagne Sud à l’Assemblée générale de l’ARIB, j’aurais pu parler de la fermeture définitive du laboratoire de la Trinité sur Mer en cette fin d’année 2018, mais je ne pouvais pas résumer d’une phrase ce que signifie cette fermeture
pour moi. J’y ai passé plus de 30 années de travail avec juste une échappée studieuse d’un an à l’Université de Rennes, vers les 46 ans, histoire de prouver que l’on pouvait évoluer sans pour autant muter géographiquement.
Trente ans au même endroit pour une chercheuse (certaines disent chercheure *), vous allez dire que cela tient de la bernique, mais détrompez-vous, cela a représenté d’abord 15 années à partager mon temps entre estran et pleine mer – en cuissardes ou combinaison de plongée – debout sur le pont d’un bateau ou assise devant l’ordinateur…
… autour d’une table de réunion ou devant un écran de projection – au volant d’un utilitaire ou d’une routière selon le but de la virée – et parfois sur un stand de salon ostréicole…
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Les bateaux se nommaient Zoé, Istrec, Mesklec, Le Loch…
Les lieux avaient des noms à consonance souvent bretonne, mais aussi normande, vendéenne, charentaise ou méditerranéenne. À l’instar des huîtres, le chercheur de station côtière voyage d’une baie à l’autre, de la rivière à la pleine mer, de l’estran à « l’eau profonde » (les guillemets sont là pour relativiser la profondeur en question). Il doit pousser parfois jusqu’à Paris, mais c’est à son corps défendant. Il n’a qu’une hâte, retrouver le vent du large et les embruns salés.
Et les 15 autres années me direz-vous ? Les études en milieu marin, où interagissent facteurs aussi bien d’origine environnementale qu’anthropique, se doivent d’être multidisciplinaires et nécessitent une bonne communication entre scientifiques pour avancer dans l’explication des phénomènes toujours complexes. Cette communication devant s’accompagner d’un partage de données de plus en plus nombreuses, c’est donc vers l’outil informatique que je me suis tournée afin de mettre en relation équipes de recherhce en aquaculture et concepteurs de base de données.
À cela s’est ajouté l’intérêt d’informer le grand public, via Internet, sur les filières aquacoles et les recherches associées. Nantes et Brest m’ont alors souvent accueillie en mission, ainsi que les stations côtières, mais le retour au laboratoire d’origine n’en était que plus apprécié.
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Je n’ai pas retrouvé trace sur le site Ifremer de cette fermeture. Juste un grand vide en cliquant sur « équipes présentes sur le site »…
Merci Anne-Genneviève pour cet article … En effet, la fermeture de cette station emblématique n’a pas fait grand bruit … Pour moi, elle représentait mon rêve de jeunesse : étant de Quiberon, j’ai en mémoire les moments où je passais devant l’Ifremer de la Trinité sur mer des étoiles plein les yeux en me disant qu’un jour, j’y travaillerai pour « comprendre les océans ». Ce rêve est devenu réalité en 2011, lorsque j’y ai été recrutée. C’était sans savoir que je serais la dernière à avoir cette chance, puisque la station fermait 8 ans plus tard.
Il me / nous faudra du temps pour affronter les souvenirs et réussir à passer devant ce site sans avoir le coeur gros …
Coucou Anne Geneviève
Merci pour cet article …
Oui une fin d’époque « sans tambours ni trompettes »… Point de salut non plus pour l’investissement passionné de 3 générations successives de techniciens et chercheurs au service de l’ostréiculture et de la protection de notre beau littoral.
Nous étions nombreux à avoir eu le cœur gros dans ce gros moment de solitude.
Bien à toi
Jean-Yves
Bel article d’Anne-Geneviève. Désolé mais je n’ai pas vu d’article sur cette fermeture sur mon scoop-it… par contre on en parlait le 1er mars 2018 avec le transfert du labo sur Lorient.
Pour ma part, j’ai fait moins de missions que Michel depuis mon embauche au CNEXO mais j’ai quand même passé plus de 3 ans sur les mers du globe…
Merci de ce commentaire, Michel.
Cet article a été annoncé dans la lettre du 24 décembre, mais la veillée de Noël a dû occuper les éventuels lecteurs… Je change la date et elle réapparaîtra lundi 7 😉
Les articles « mémoire » de 2018 ont été plus nombreux et sont sur 2 pages…
Tu dois bien avoir des souvenirs de mission à l’étranger qui pourraient faire l’objet d’un article. Surtout n’hésite pas !
Merci pour cet article, Anne-Geneviève, mais je ne l’ai pas vu annoncé dans la « lettre du lundi » 31 décembre. Et il me semble que j’ai aussi raté des « mémoires » de Loïc. Le circuit n’est pas le même entre un article Mémoire et le scoop-it de Philippe ?
Et tu sais, on a tous été un peu bernique comme toi à l’IFREMER : fixé sur notre centre mais parti et revenu si souvent… Entre 1978 et 2008, j’ai fait 651 missions dont 105 à l’étranger. En moyenne donc 21 par an. Je n’ai pas répertorié les 5 dernières années. Et je pense que ce n’est pas tellement (en nombre, pas en distance) par rapport à toutes celles que faisaient les labos côtiers sur le littoral…
Bel article, bien illustré… et j’aime bien le chercheur qui se rend à Paris « à son corps défendant » ! On éprouvait bien ce corps, quand on se rendait à Paris, que ce fût avenue d’Iena ou Issy les Moulinettes !