Les croissants du boulanger par Annick Vangriesheim

Dans la série «sur les vieux bateaux CNEXO/Ifremer », voici l’histoire des croissants du boulanger Pascal sur le NO Jean Charcot  (comme je m’en souviens – Annick Vangriesheim)

Lorsqu’on embarquait sur le NO Jean Charcot  dans les années 70, il était fréquent que le boulanger du bord soit « Pascal », un vieux de la vieille qui aimait bien plaisanter et surtout charrier « les sciences » (les scientifiques embarqués).

En fait, Pascal ne s’appelait pas Pascal. Il s’appelait Raymond Blaise, d’où Blaise-Pascal.

Il était dans la tradition qu’il fasse des croissants dans la nuit du samedi au dimanche. Il les préparait dans son four situé dans la cuisine (au fond, à gauche en rentrant). A côté était son pétrin qui, lorsqu’il ne servait pas pour le pain, était recouvert d’une planche bien taillée et servait de table, de bar, de comptoir à parlote …

Ça ne se passait pas toujours exactement à la même heure. Les scientifiques de quart de nuit devaient trouver le bon moment pour essayer de lui en extirper quelques uns… En fait, c’était l’odeur qui, remplissant le bateau, servait de signal d’alarme. Alors, entre deux manips, on allait dire un « bonjour amical » à Pascal, pas en troupe, un ou deux à la fois, pas plus. Lui faisait l’innocent. Les croissants, ça se méritait ! C’est pas qu’il était radin en croissants, mais c’est qu’il aimait bien la parlote et nous faire marcher … et on marchait !

Et ça donnait un dialogue du genre :

  • Salut Pascal, tu bosses ? pas trop fatigué ?
  • Non et toi, qu’est-ce que tu fais ?
  • Ben, je suis de quart.
  • Et tu fais quoi ?
  • Ben, des stations bathysonde (par exemple), on est en route alors j’ai le temps de venir te tenir compagnie.
  • Dis-moi, mais qu’est-ce que tu cherches exactement, explique moi.

Alors, on prenait un tabouret on s’installait devant le pétrin et on expliquait :

  • C’est pour comprendre la circulation des masses d’eaux profondes, bla, bla, bla
  • Pourquoi, ça sert à quoi de comprendre la circulation des masses d’eaux profondes ?
  • Bla, bla, bla
  • Ah oui, et quand t ‘auras compris, tu feras quoi ?
  • Là, ça devenait délicat. Mais on arrivait en station, alors vite fait on retournait en haut sur le pont.

Bon, une fois la bathysonde à l’eau, l’un de nous redescendait, recommençait les mêmes manœuvres d’approches.

Pascal ne proposait toujours pas de croissant. Et si on réclamait, même avec diplomatie, il répondait :

  • Tu en auras au petit déjeuner, je peux pas les distribuer, sinon y en aura plus pour les marins.

Si on ne réclamait pas et qu’on quittait la cuisine, dépité, il nous rappelait au dernier moment en disant :

  • Tiens, je te donne un croissant, (ou deux) mais tais-toi, dis pas aux autres.

Parfois, quand on était bien vu, c’était même :

  • Tiens, sers toi.

Et on remontait tout(e) fier(e) de montrer aux copains qu’on avait réussi à négocier.

Voili, voilà, rien d’extraordinaire mais ça faisait partie du folklore du Charcot.
Si d’autres anciens souhaitent rectifier, préciser, en rajouter … je serai ravie de les lire.

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6 réponses à Les croissants du boulanger par Annick Vangriesheim

  1. ANTOINE dit :

    Eh ben vas-y, Philippe !
    Loïc

  2. jacques denis dit :

    Très beau récit, Annick, et merci de nous faire vivre ces instants d’intimité avec ce Pascal qui méritait d’être connu !
    Moi non plus, je n’ai pas eu la chance de partir pour de telles campagnes, encore moins sur un tel bateau mythique (si, si !) tel que le Charcot.
    J’ai plutôt fréquenté le Roselys à mes débuts à Toulon qui, au lieu d’émettre de bonnes odeurs de croissants chauds, nous enveloppait généreusement de grasses odeurs de gaz d’échappement !
    Ça laisse des traces aussi, en plus des bons souvenirs… on appelle ça de l’immersion.
    Bises du sud.

  3. Jacqueline Prod'homme dit :

    Annick, quand tu as écrit cet article, que de beaux souvenirs as tu du faire revivre et parmi tous ces quarts durant tes campagnes, il doit y en avoir d ‘inoubliables . Je ne suis jamais partie en « Campagne sur navire » , il devait y avoir des bons et moins bons moments. Jacqueline

  4. agm dit :

    Une histoire-souvenir comme je les aime.
    Bien qu’ayant participé à la campagne Gibraltar sur le Charcot en mars-avril 1975, je ne me souviens pas de l’odeur des croissants lors de quarts nocturnes.

  5. Loïc ANTOINE dit :

    Belle histoire du bon vieux temps !
    Loïc

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