Hydrogène : commentaire d’Henri Bougault

Suite aux articles que nous avons publié sur l’Hydrogène (voir en bas de page), Henri Bougault nous propose le commentaire suivant :

L’Ifremer fut l’un des pionniers de la découverte de ce méthane (abiotique) et de cet Hydrogène hydrothermal naturel (J.L. Charlou). Nous avions utilisé les anomalies de méthane (J.L. Charlou), de manganèse (P. Appriou, J. Knoery) et d’Hélium (P. Jean Baptiste) dans l’eau de mer pour localiser les sites hydrothermaux actifs. Pourtant la découverte d’hydrogène naturel et de méthane abiotique est bien antérieure aux découvertes hydrothermales sous-marines, voir résumé[1]

Le premier “fumeur noir” découvert en 1979 sur la Dorsale Est Pacifique au cours de la partie américaine du programme franco-américain RISE [Spiess et al., 1980]. In Bougault ref 2

Le premier “fumeur noir” découvert en 1979 sur la Dorsale Est Pacifique au cours de la partie américaine du programme franco-américain RISE [Spiess et al., 1980]. In Bougault ref. 2

En 2012, la Société de l’Industrie Minérale (la SIM) nous avait demandé un article au titre de l’information de la profession de la Mine à propos des sources hydrothermales, en particulier concernant cette histoire d’Hydrogène et de Méthane hydrothermal. Cet article présente l’état de la réflexion sur le sujet, notamment sur la chimie prébiotique et sur le pétrole abiotique [2]. Néanmoins, en absence de structure piège, cet hydrogène hydrothermal est dispersé dans l’eau de mer et utilisé par des micro-organismes. Cet hydrogène hydrothermal sous-marin avait été un peu trop vite promu au rang de ressource énergétique…

Avant ces découvertes hydrothermales sous-marines, on connaissait déjà l’hydrogène naturel en milieu continental :
– les gisements d’Hydrogène et d’Hélium en Amérique du Nord : les américains avaient refusé aux allemands de leur fournir cet hélium pour leurs dirigeables. Contraints d’utiliser l’hydrogène, on sait ce qu’il advint du Zeppelin.
– le forage de la péninsule de Kola au cours des années 1970-80 : la surprise avait été d’abord de trouver de l’eau par plus de 12 000 mètres de profondeur en milieu continental, mais aussi d’y trouver du méthane et de l’hydrogène en quantité.

Plus tard, après la découverte du méthane et de l’hydrogène hydrothermal, les Russes découvraient au cours des années 1990, début 2000, ce qu’on a appelé un peu plus tard des « Ronds de Sorcières » d’où s’échappe de l’hydrogène. Ce type de structure est depuis découvert un peu partout.

Et puis, début 2000, ce puits au Mali qui produit de hydrogène, converti en électricité [3]

L’article consacré à l’hydrogène, source d’énergie, de Science et Avenir du mois de mars 2021 fait état de cet hydrogène naturel : c’est la première fois à ma connaissance dans une publication Grand Public. Peu de temps auparavant une conférence du Président de l’Air Liquide sur l’utilisation de l’hydrogène pour les transports commençait par affirmer (étonnamment !) que l’hydrogène n’existe pas à l’état naturel. La source implicite de cet hydrogène énergétique pour les transports étant l’électrolyse de l’eau.

Sur ce point, ainsi que rapporté par les articles de l’ARIB, l’utilisation de l’hydrogène pour les transports est une solution vis à vis des rejets des gaz à effet de serre.
– Le fonctionnement des véhicules à partir d’Hydrogène est semble-t-il un savoir faire quasiment déjà acquis.
– Il demeure des problèmes de sécurité inhérents à une utilisation « dispersée », grand public, de l’hydrogène dont la réalisation d’un réseau de distribution et les réservoirs sous pression dans les véhicules.

Cependant, l’enjeu réel est la production d’électricité, l’hydrogène n’étant qu’un vecteur de l’énergie. Pour le fabriquer, il faudrait multiplier par 2 la production d’électricité, toutes sources confondues, pour satisfaire l’ensemble des besoins des transports… et cette électricité doit être verte ! Autrement dit, le véritable enjeu de l’utilisation de l’hydrogène en tant que vecteur de l’Énergie est la production d’électricité propre. Et cela ne peut se faire d’un claquement de doigt : il suffit de regarder la situation de l’Allemagne, pays vertueux par l’ampleur de son parc éolien, mais qui, ayant réduit sa production d’électricité nucléaire a rouvert des centrales à charbon… 

L’hydrogène naturel serait à la fois ressource énergétique et vecteur de l’énergie. Les acteurs sur le sujet sont à juste titre « mesurés ». Les Ronds de Sorcières et le puits du Mali producteur d’hydrogène naturel étaient inconnus il y a vingt ans. Des découvertes seraient faites en Australie… Il faut attendre. Mais nul doute que si des découvertes comme celle du Mali se confirmaient, cet hydrogène continental serait utilisé. C’est le sens de l’intervention d’Isabelle Moretti dans le dernier article consacré à ce sujet par le Journal La Recherche indiqué dans le dossier ARIB… »

[1] 2020-11-15_Memo_HB_hydrogene.pdf 

[2] 2012_Bougault_H2_CH4_SIM_manuscr.pdf

[3] Pangea – infos

L’ensemble des 3 articles sur l’hydrogène est accessible à partir de celui-ci :

L’HYDROGÈNE EN QUESTION

 

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2 réponses à Hydrogène : commentaire d’Henri Bougault

  1. Loïc Antoine dit :

    Passionnants commentaires d’Henri et de Michel !

  2. Paillard dit :

    Compléments intéressants aux 3 articles.

    Juste une précision sur l’avant dernier paragraphe faisant référence à l’Allemagne :

    On parle bien de transition entre un mix énergétique avec une part de nucléaire vers un autre complètement dénucléarisé d’ici quelques années en Allemagne. Si j’apporte une précision, c’est que la stratégie énergétique allemande, initiée en 2000, fait l’objet de contre-vérités véhiculées par les partisans d’une forte relance du nucléaire en France et opposés à la réduction progressive de la part du nucléaire dans le mix électrique en France. L’intention est claire, alors que certaines énergies renouvelables sont d’ores et déjà devenues compétitives.

    Cet article de Bernard Laponche revient sur ces contre-vérités et rétablit, arguments à l’appui, la réalité :

    https://journaldelenergie.com/nucleaire/contre-verites-allemagne-sortie-nucleaire/

    Voir notamment la figure 7 du chapitre 2. La production d’électricité par source.

    Bon, vous allez me dire, c’est encore un doux rêveur qui écrit cela sans aucune compétence.

    Que nenni ! Bernard Laponche est un physicien nucléaire, polytechnicien, ancien ingénieur du CEA

    https://www.franceculture.fr/personne-bernard-laponche.html

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